Aujourd’hui, je partage mes notes et réflexion comment les environnements d’apprentissage peuvent aider à résoudre le problème à deux sigma de Bloom (Bloom’s two sigma problem)
Le problème à deux sigma de Bloom (Bloom’s two sigma problem) – Qu’est-ce que c’est ?
Bloom est connu principalement pour la taxonomie qu’il a développé. Au travers de ses recherches, il a également soulevé le problème à deux sigma.
Il a comparé les taux de réussite (notes obtenues à des tests) et l’engagement (temps passé à l’apprentissage) de trois groupes d’élèves du primaire, auxquels différentes méthodes d’enseignement ont été appliquées:
- Un groupe classique ou groupe témoin: un groupe avec des méthodes d’enseignement en classe « standard », avec des évaluations de notations
- Un autre groupe classique avec des évaluations, mais également l’utilisation de tests formatifs suivi de rétroaction et de mesures correctives. Ce qu’il a appelé le mastery learning (ML).
- Un groupe avec tuteur individuel: un ou deux étudiants étudient avec un tuteur individuel, qui donne la rétroaction et des corrections personnalisées au fur et à mesure.
Les résultats des études montrent que les résultats et l’engagement des étudiants avec sa méthode ML sont meilleurs que ceux du groupe témoin, c’est le 1 sigma. Mais, ce sont les résultats du groupe avec tuteur qui les meilleurs, c’est le 2 sigma.
Alors, peut-on mettre en place des environnements d’apprentissage qui permettent d’obtenir des niveaux de réussite similaires à un apprentissage tuteuré ? Et si oui, comment ? C’est le « 2 sigma problem ».
Possibles avenues pour résoudre le problème
Les expérimentations de Bloom, étalées sur des années, suggèrent différentes possibilités pour résoudre le problème et se rapprocher du 2 sigma.
- Le ML combiné avec une introduction/vérification des pré-requis (cognitive prerequisites) via par exemple un pré-test suivi d’une rétroaction.
- Le ML combiné avec rétroaction sur leur méthodes d’enseignement pour les enseignants. Notamment une sensibilisation à comment les enseignants approchent leur groupes d’élèves et peuvent traiter différemment certains élèves, de manière inconsciente.
- L’ajout de l’enseignement de processus mental de haut (higher mental processes) : résolution de problèmes, capacité analytiques, créativité, imagination, prise de décision, mémoire, etc.
- Support entre étudiants par groupe de 2-3 (résultats presque aussi bon que le ML).
- Proposer des cours ou du matériel permettant aux étudiants d’améliorer leurs méthodes d’apprentissage, idéalement au début.
Maintenant sachant que ces méthodes ont été analysées avant l’avènement des plateformes de formation en ligne, et, des technologies d’intelligence artificielle. Quelles sont les possibilités offertes par ceux-ci pour se rapprocher du 2 sigma? C’est-à-dire d’accomplissement des étudiants similaire aux résultats obtenus avec un apprentissage tuteuré?
Les possibilités offertes par les environnements d’apprentissage en ligne.
Les idées explorées ici sont issues de mes réflexions suite à la lecture de cet article (en anglais) que je recommande.
L’article présente le résultat de recherche plus récente ayant été mené autour du problème de Bloom, pour étudier les possibilités offertes par les environnement d’apprentissage en ligne. Il met de l’avant les éléments suivant.
- L’apprentissage par projet en petit groupe.
- L’identification, via les résultats aux tests, d’étudiants « à risque » avec lesquels intervenir de manière alternative.
- La ludification : utiliser des points d’expérience pour débloquer de nouvelles parties du cours ou de nouveaux contenus. Et, alternativement, remplacer le système de points d’expériences par un système permettant de récompenser la compétence, les efforts et la qualité de la contribution plutôt que l’accomplissement/la réussite.
- La flipped mastery : maîtrise inversée, l’utilisation de courtes interventions (vidéos par exemple) suivies d’activités pratiques (permettant aux apprenants de mieux comprendre le sujet : réflexion, jeu, cas pratique, etc.), avant la test de maîtrise, puis le passage au prochain sujet.
Quelques exemples plus concrets
En vrac, quelques idées d’application pratiques de mon cru pour mettre en place les méthodes mastery learning de Bloom dans des environnements d’apprentissage numérique:
- Après l’échec à un test, suggérer une partie du cours à revoir (de manière « dynamique », c’est-à-dire automatiquement suggérée par la plateforme, ou, de manière « statique », c’est-à-dire codé dans les outils auteur au moment du développement).
- Obtenir une note minimal à un pré-test (ou à un test intermédiaire) pour pouvoir continuer le cours. On parle de court test de 4-5 questions maximum
- Tester un même cours dans le LMS, paramétré différemment, pour différentes cohortes: avec/sans pré-test, avec/sans vérification des pré-requis.
- Développer des cours pour présenter aux apprenants du matériel pour améliorer leurs méthodes d’apprentissage.
- Développer des cours sur les processus mental de haut (higher mental processes) : résolution de problèmes, capacité analytiques, créativité, imagination, prise de décision, mémoire, etc.
La « plateforme de formation comme tuteur numérique »
Les environnements d’apprentissage numérique offrent indéniablement de nouvelles avenues pour résoudre le problème des deux sigma.
Cela dit, les méthodes et exemples présentées brièvement ici reposent en grande partie sur l’utilisation de technologies d’intelligence artificielle : identification automatique d’étudiants « à risque », suggestion de parties du cours à revoir, tableau de bord d’analyse de l’activité d’étudiants, etc.
L’apprentissage personnalisé et la « plateforme de formation comme tuteur numérique » est donc encore à l’état exploratoire. Cela dit les technologies avancent à grande vitesse, et on aura peut-être résolu le problème de Bloom rapidement.
Il faut évidemment bien garder en tête que ces technologies ont également leur failles, notamment en terme de propriété des données, de profilage d’utilisateurs, de surveillance de la vie privée, etc.
Pour finir
L’article de Saqib Safdar note que la datafication de l’engagement des apprenants, telle que discutée par Brown (2020), semble être une meilleure mesure de l’engagement avec la plateforme d’apprentissage que l’engagement dans le matériel du cours et les activités.
Je suggère donc de continuer la réflexion en allant explorer la datafication de l’engagement des apprenants… À suivre sur ce blog…
Ressources:
https://www.linkedin.com/pulse/beyond-blooms-2-sigma-problem-data-driven-approaches-improving-saqib/
https://facultycenter.ischool.syr.edu/wp-content/uploads/2012/02/2-sigma.pdf
L’apprentissage tuteuré est toujours assez compliqué à mettre en place. Merci pour cet article détaillé !